CSG applicable aux plus-values de cession de titres réalisées en 2017 : La Fontaine serait-il contredit ?

Par : edicom

Par Stanislas Vailhen, avocat associé, et Marie Fandre, avocat en droit fiscal au sein du cabinet Alerion

Afin de préserver leurs droits, les contribuables ayant réalisé des plus-values de cession de titres en 2017 et qui souhaiteraient obtenir la restitution des 1,7 point de CSG supplémentaires mis à leur charge par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, ont intérêt à présenter immédiatement des réclamations.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (article 8 de la loi n°2017-1836) a majoré le taux de CSG de 1,7 points. Cette augmentation du taux qui s’applique, notamment, aux revenus d’activité et du patrimoine, concerne les revenus perçus à compter du 1er janvier 2018. Toutefois, à titre exceptionnel, le législateur a décidé que les revenus du patrimoine recouvrés par voie de rôle seraient soumis au taux majoré dès 2017. Ainsi, les plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées en 2017 ont été assujetties rétroactivement à un taux de CSG majoré (à l’exception des plus-values réalisées dans le cadre du régime de report d’imposition).

Contrairement à la majorité des revenus imposables à l’impôt sur le revenu, le fait générateur de l’imposition des plus-values est la date du transfert de propriété. Cela signifie qu’à la date de la cession, le régime d’imposition est figé. Toute modification du régime d’imposition postérieurement à la date du fait générateur doit être regardée comme un cas de rétroactivité par opposition aux cas de « petite rétroactivité » qui sont largement admis en matière fiscale.

Or, le Conseil constitutionnel s’oppose aux lois rétroactives qui ne sont pas motivées par un objectif d’intérêt général (décisions 2016-538 QPC du 22 avril 2016, par exemple).

Un contentieux de masse visant à obtenir l’annulation de l’augmentation rétroactive du taux majoré de CSG a été initié. Il a, notamment, donné lieu au renvoi par le Conseil d’Etat d’une action en reconnaissance de droits devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Conformément au Code de justice administrative (article L. 77-12-2), cette action a pour effet d’interrompre la prescription à l’égard de chacune des personnes susceptibles de se prévaloir des droits dont la reconnaissance est demandée. Toutefois, le juge dispose de la faculté de limiter les effets dans le temps de cette action s’il lui apparaissait que sa décision emporte des conséquences manifestement excessives. Il est également regrettable que le Conseil d’Etat ait confié au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise le soin d'instruire cette action, alors que saisi de cette question dans le cadre d’une QPC, ce dernier n’avait pas jugé la question pertinente et avait en conséquence refusé de la transmettre au Conseil d’Etat. 

Parallèlement à cette action en reconnaissance de droits, une question prioritaire de constitutionnalité, portant sur la conformité à la Constitution des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 et plus particulièrement à l’article 16 de la Constitution, a été également présentée devant le Tribunal administratif de Versailles. Le Tribunal administratif a accepté de transmettre au Conseil d’Etat cette question qu’il a jugé non dépourvue d’un caractère sérieux (ordonnance du 18 juin 2019, n°1903153).

La transmission de cette question présente un intérêt majeur dès lors que les questions prioritaires de constitutionnalité sont encadrées dans des délais très stricts et doivent être traitées avec la plus grande célérité. Cette procédure a donc pour effet d’accélérer le traitement de ce contentieux. Si le Conseil d’Etat accepte de transmettre la question au Conseil constitutionnel, ce qui semble très probable, la décision du Conseil constitutionnel devrait intervenir avant qu’une décision définitive en matière d’action en reconnaissance de droit n’intervienne, ce qui serait une bonne nouvelle.

Néanmoins, au même titre que le juge administratif, le Conseil constitutionnel peut limiter dans le temps les effets de sa décision. Cette limitation peut concerner aussi bien les instances en cours à la date de la décision que les instances en cours à la date de la décision dans lesquelles les parties ont « invoqué le moyen » ou l’invoqueront (si ils peuvent encore le faire).

Ainsi, indépendamment des actions engagées, il nous semble primordial de déposer dès à présent des réclamations visant à obtenir le remboursement de la CSG au taux majoré qui a été payée sur les plus-values de cession de valeurs mobilières intervenues en 2017. En effet, même si ces réclamations peuvent être présentées jusqu’au 31 décembre 2020, au regard des règles du Livre des procédures fiscales, si le Conseil constitutionnel décidait de limiter les effets de sa décision, les contribuables qui n’auraient pas présenté de réclamation avant la décision se retrouveraient forclos sans possibilité d’obtenir un remboursement d’une partie de la CSG acquittée.

La Fontaine ne s’était pas trompé : rien ne sert de courir, il faut partir à point !

  • Mise à jour le : 29/08/2019

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