Démembrement : l’investissement multi-facettes

Par : edicom

Par Eugénie Deloire

Répondant à des enjeux sociaux de besoins en logements et de constitution d’une épargne-retraite, le démembrement de propriété se révèle une alternative intéressante pour les investisseurs en quête d’un placement pérenne et sécurisé, aussi bien dans l’immobilier physique que dans la pierre-papier. Toutefois si le marché tend à s’ouvrir, le manque d’offre ne lui permet pas encore d’exprimer tout son potentiel.

Il a soufflé sa vingtième bougie. Lancé en 2000, le démembrement de propriété est, en 2020, plus que jamais d’actualité, dans un contexte de taux bas et d’incertitudes financières, géopolitiques et sanitaires en tout genre. Longtemps resté méconnu, le dispositif de démembrement de propriété a gagné en notoriété ces dernières années. Porté par les CGP et les opérateurs spécialisés qui se sont multipliés sur ce marché (encore) de niche, le modèle offre une alternative intéressante aux investisseurs particuliers désireux d’accroître leur patrimoine immobilier sans alourdir leur fiscalité.

Pour rappel, le démembrement de propriété qui consiste à séparer l’usufruit et la nue-propriété de la pleine propriété est un mode d’acquisition géré par le code civil. Relevant du droit du commun, il n’entre pas dans le cadre d’une loi dérogatoire d’incitation fiscale comme le Pinel ou le LMNP et ne risque pas d’être modifié ou annulé. Le dispositif répond, qui plus est, à deux enjeux de société brûlants, comme le rappelle Géraldine Tyl-Chaigne, fondatrice d’Agarim, « celui de construire davantage de logements à loyer abordables pour les foyers fiscaux éligibles au logement social ou au logement intermédiaire et celui de proposer un produit d’épargne-retraite à des contribuables qui acquièrent un bien à moindre coût en cœur de ville, avec un confort de gestion absolu pendant toute la durée de l’opération ». Depuis vingt ans, le démembrement s’impose, peu à peu, comme une solution au manque d’offre de logement social tout en assurant, aux contribuables, un investissement patrimonial sécurisé. Pour preuve, la note relative à l’usufruit locatif social (ULS) publiée en janvier dernier par la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages, sous la tutelle du ministère de la Cohésion des territoires (DHUP) vise à favoriser les opérations de démembrement, ainsi qu’à développer une offre nouvelle de logements conventionnés.

Premiers débouclages

L’ULS est encadré par le Code de la construction et de l’habitat (CCH), puis conforté par la loi engagement national pour le logement du 13 juillet 2006. L’acquisition de l’usufruit par le bailleur social étant éligible au prêt locatif social (PLS), l’attribution des logements est, par conséquent, soumise aux conditions d’éligibilité de ressources des ménages et aux plafonds de loyers du logement social. L’usufruit est acquis par un bailleur social qui perçoit l’intégralité des loyers, et assure l’entretien du bien et la nue-propriété à des investisseurs particuliers qui acquièrent, de cette façon, un bien à un prix décoté par rapport à sa valeur en pleine propriété (entre 30 et 60 % de sa valeur). « Cette décote assure à l’investisseur de réaliser une plus-value de l’intérieur, à savoir que lorsque la pleine propriété sera reconstituée, le bien recouvrera 100 % de sa valeur, alors qu’il l’aura acquis à 40 ou 60 % de son prix initial », explique Georges Nemes, président de Patrimmofi. Conformément à l’article L. 253-1 du CGH, la durée contractuelle d’un démembrement de propriété est fixée à quinze ans minimum, ce qui le rend moins perméable aux fluctuations des prix de l’immobilier.

Pionnier de l’investissement en nue-propriété adossée à l’ULS, le groupe Perl est seul acteur du marché à avoir, à ce jour, piloté le cycle complet de l’usufruit locatif. Quatre fins d’usufruit ont ainsi eu lieu depuis 2017, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) et Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), représentant un total de soixante-dix logements. « La fin d’usufruit, encadrée par la loi engagement national pour le logement (ENL) de 2006, est une étape clé de la réussite de notre modèle. Pour aller au-delà de la période fixée légalement à douze mois, nous préparons la fin d’usufruit avec l’ensemble des parties prenantes, deux ans avant la fin du cycle d’investissement », explique Alexandre Bonvalot, directeur commercial de Perl.

Pendant la période de concertation, Perl organise, aux côtés du bailleur, un suivi personnalisé pour chaque locataire, afin d’identifier en amont ses besoins et de préparer la suite de son parcours résidentiel. En parallèle, le bailleur entreprend des travaux de remise en état des logements et des parties communes, comme le précise la convention d’usufruit. Dans le cas d’un démembrement privé (non soumis au plafond de ressources), il faut s’assurer de la solidité et de la pérennité du bailleur qui ne dispose pas du parc locatif des bailleurs sociaux et pour lesquels, la déductibilité des intérêts d’emprunt ne s’applique pas.

Rentabilité mécanique à long terme

Si la sortie des opérations de démembrement a pu faire l’objet d’interrogations, la réussite des premiers débouclages a balayé les doutes. « Les bailleurs sociaux sont des opérateurs vigilants, avec des processus bien définis. Ils anticipent les sorties et disposent de parcs immobiliers suffisant pour assurer le relogement des locataires », affirme Bertrand Birade, cofondateur de Bécarré Haussmann. Pour ce dernier, le premier intérêt de l’investissement repose sur sa performance. « Le démembrement de propriété offre une rentabilité mécanique du fait de sa décote. Pour une nue-propriété achetée 60 % de son prix en pleine propriété, et revendue à 100 % de sa valeur au bout de quinze ans, le rendement affiché est de +3,47 %, soit bien plus qu’un fonds euros », ajoute le directeur.

En outre, la plus-value sera elle aussi calculée sur une valeur à 100 % auxquels s’ajoute l’inflation sur le bien immobilier, ce qui permet d’obtenir un TRI estimé entre 3,5 et 5 %, net d’impôt sur le revenu. Pour exemple, Bécarré a lancé en 2002 une opération de démembrement en ULS sur un immeuble de la porte de La Villette (Paris XIXe). La nue-propriété était vendue à 2 500 euros le mètre carré (50 % du prix en pleine propriété). En 2022, le prix au mètre carré dans ce quartier devrait avoisiner les 9 000 à 10 000 euros, faisant quadrupler la mise des investisseurs en vingt ans.

De fait, la durée du démembrement est un point clé de l’opération : plus elle est longue, plus la décote et le rendement final seront élevés. « Le démembrement est un engagement sur le long terme qui, comme tout investissement immobilier, nécessite un amortissement pour être rentable », rappelle Jean-Baptiste de Pascal, directeur développement et fiscalité chez Inter Invest. Pour cette raison, le dispositif attire de plus en plus de jeunes investisseurs pour lesquelles la notion de durée n’est pas un frein. « Dans le cadre d’une retraite par capitalisation, plus les particuliers investissent tôt et longtemps, mieux c’est pour la constitution de leur patrimoine », ajoute-t-il. Dans le contexte actuel de réforme des retraites, ce placement sans aléas de gestion ni risque locatif séduit de plus en plus de jeunes actifs, notamment expatriés.

Une neutralité fiscale appréciée

Autre avantage du démembrement temporaire : sa neutralité fiscale, qui attire tout particulièrement les investisseurs dont la TMI est importante et/ou concerné par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Concernant cet impôt justement, le nu-propriétaire privé de revenus fonciers n’est plus imposé, puisque la donation est faite sur la seule partie usufruitière (la décote pour définir la valeur usufruitière sera de 23 % sur dix ans). Au terme du démembrement, le donateur retrouvera la pleine propriété de son bien en franchise d’impôt. Par exemple, si le bien concerné est d’une valeur de 300 000 euros, pendant la période de démembrement fixée à dix ans, si le donateur est concerné par la tranche des 0,5 % sur l’assiette IFI, il fera une économie de 15 000 euros. A noter cependant que l’objectif doit être d’enrichir le donataire et non le donateur, sous peine de voir cette opération remise en cause pour abus de droit. 

Dans le cas d’un contribuable dont les enfants seront concernés par des frais de successions, le démembrement viager s’avère un outil prisé de transmission patrimoniale. En effet, depuis 2012, le montant de donation qui échappe au fisc est de 100 000 euros par parent et par enfant. « Le démembrement est une option souvent retenue par les familles qui veulent alléger l’assiette fiscale de leurs droits de succession », rappelle Olivier Fiers, associé chez Corep-Anséris. La valeur de l’usufruit et de la nue-propriété des biens transmis par succession est définie par un barème mis en place depuis le 1er janvier 2004. La quote-part de ces deux valeurs varie en fonction de l’âge de l’usufruitier lors de la transmission (entre 51 et 60 ans, la clé entre l’usufruitier et le nu-propriétaire est de 50 %). Au décès du donateur, le nu-propriétaire retrouvera la pleine propriété du bien en franchise d’impôt sur la partie usufruitière.

Pour exemple, un couple âgé de 55 ans et 57 ans détenant un patrimoine de 800 000 euros pourra transmettre à ses deux enfants la nue-propriété à hauteur de 400 000 euros, exonérée de toute fiscalité. Au final, lorsque les bénéficiaires retrouveront la pleine propriété du bien, ceux-ci ne devront s’acquitter d’aucun droit de mutation. Toutefois, pour que l’investissement ne soit pas réintégré comptablement dans la succession, mieux vaut donner jeune (idéalement avant 60 ans, selon le barème établi par le CGI), car « contrairement à l’article 790 régissant le don spécifique, si le donateur, dans le cadre d’un démembrement, meurt avant quinze ans, l’avantage se trouvera anéanti », prévient Olivier Fiers.

Une cible élargie d’investisseurs

Le cœur de la clientèle d’investisseurs en opérations de démembrement tend, d’ailleurs, à rajeunir. Si le profil type reste un secundo-accédant se situant dans une tranche d’âge de 40 à 55 ans, doté d’un TMI de 41 % (souvent imposé à l’IFI) et d’une enveloppe d’investissement d’environ 195 000 euros, l’évolution du marché et des concepts commercialisés ont diversifié la clientèle.

Par exemple, Fidexi cherche à investir le marché des logements à destination des étudiants, ouvrant la porte à des tickets d’entrée plus bas, accessibles à des épargnants moyens (TMI à 30 %). « Nous avons observé que de plus en plus de jeunes primo-investisseurs souhaitaient placer leur épargne dans la pierre sans que cela ne devienne leur résidence principale ou qu’ils aient à gérer les contraintes fiscales et de gestion de l’immobilier locatif. Pour cette clientèle ciblée, nous proposons des logements à partir de 70 000 euros, situés dans le centre-ville des grandes métropoles françaises », annonce Alban Gautier, directeur des activités de démembrement de Fidexi. Depuis plusieurs années, des opérateurs de l’ULS cherchent à élargir l’offre en s’intéressant à des quartiers à forte valeur patrimoniale et ne ciblent plus exclusivement les programmes en Vefa. « On assiste, depuis quelques années, à la naissance de nouveaux acteurs qui ont accru le potentiel d’offres sur le marché, désormais présent à Paris intra-muros, sur le tracé du Grand Paris ou dans les villes de province », constate Georges Nemes.

Créé en 2018, Agarim conjugue la démarche patrimoniale et sociale, en investissant, par exemple, sur des actifs à la valeur intrinsèque élevée, sur des marchés tendus, tels que Paris ou la Côte d’Azur.

De son côté, l’opérateur iPlus vient de lancer une opération portant sur huit logements neufs en nue-propriété, à deux pas du centre historique de Vence (Alpes-Maritimes).

Dans un autre registre, la société Monetivia a élargi le démembrement de propriété à l’ancien dans le cœur des grandes villes. Elle propose une solution d’investissement en nue-propriété via un contrat d’assurance-vie (géré par Allianz) comprenant un mécanisme de complément de prix au profit de l’investisseur.

Ainsi, le vendeur peut jouir de son logement pendant une durée de dix à vingt ans, selon son âge. Si celui-ci décède avant la fin de l’usufruit, l’assureur versera au nu-propriétaire le solde du capital non utilisé par le vendeur. Se le vendeur continue d’utiliser le bien au-delà de la période d’usufruit, la compagnie s’engage à verser le loyer au propriétaire le temps de l’occupation. « Une solution mixte de viager juridiquement basé sur un montage en démembrement », résume Georges Nemes.

SCPI, une plus grande diversification

La possibilité de souscrire à des parts de SCPI en démembrement a également contribué à démocratiser le marché. Modulables sur des périodes allant de trois à vingt ans (la durée moyenne étant fixée à huit ans de détention des parts), les SCPI permettent de choisir la durée de l’investissement et d’ajuster son montant. Depuis le 1er janvier dernier, la société Perial AM, pour laquelle les souscriptions en démembrements représentent 20 à 25 % de la collecte, a ainsi élargi sa grille de clé de répartition pour offrir une plus grande flexibilité à ses porteurs de parts. Toutes les durées de souscription sont désormais disponibles, entre cinq et quinze ans. « Faciliter l’accès des investisseurs au démembrement et leur offrir plus de souplesse est un axe de développement majeur pour Perial Asset Management », souligne Yann Videcoq, gérant des fonds de Perial AM.

Les SCPI ont également la vertu de proposer une diversification d’actifs (bureaux, hôtellerie, commerces, logistique, etc.), en France comme en Europe, là où le démembrement physique se cantonne au résidentiel. Elles se positionnent sur des secteurs dynamiques et vecteurs de rendement. « Notre SCPI PF Grand Paris rapporte 4,38 % par an et 9,6 % de TRI depuis cinquante-trois ans. Il s’agit d’un produit d’investissement stable et rentable, dans un environnement de taux bas », poursuit le gérant. Support mutualise, la SCPI assure aussi une dilution des risques. « Les SCPI gérés par Perial AM sont des véhicules d’investissement de tailles comprises entre 750 millions d’euros et 2,4 milliards d’euros. Leurs tailles significatives permettent une véritable diversification et nous autorisent d’envisager sereinement l’avenir », ajoute-t-il.

Dans une même optique de diversification des actifs, la société Primonial, dont l’ensemble des SCPI de rendement (Primopierre, Primovie, Primofamily Patrimmo Commerce) peuvent être démembrées, a notamment fait le choix de l’immobilier de santé (cliniques) et de l’hébergement des seniors (Ehpad) en collaborant avec des acteurs majeurs du secteur (Korian) sur des baux longs, pour sa SCPI Primovie. « Les opérations en démembrement représentent 10 % de nos souscriptions et sont en forte évolution. Une grande majorité des demandes porte sur la nue-propriété et, minoritairement, sur la recherche d’usufruit », indique Daniel While, directeur recherche et stratégie chez Primonial Reim. Pour répondre à cette demande, Primonial Capimmo (fonds d’investissement alternatif constitué sous forme de société civile immobilière) peut se constituer usufruitier temporaire de façon à aider ses clients à devenir nus-propriétaires. Distribuée exclusivement sous la forme d’unité de compte en contrat d’assurance-vie, la SCI Capimmo possède une capitalisation supérieure à 5 milliards d’euros.

Stratégie(s) d’investissement(s)

La pierre-papier a cet avantage de mettre en place des stratégies personnalisées. Toutefois en combinant un investissement en immobilier direct à des parts de SCPI, on peut tirer profit des atouts des deux solutions. Investir dans un démembrement physique implique, en effet, d’avoir la capacité de se priver de rendement pendant quinze ans a minima, et de financer une acquisition sans revenus locatifs. Ce qui limite fortement la cible des acquéreurs et exclut les primo-investisseurs. En revanche, associé à d’autres placements, le dispositif révèle tout son potentiel. « Le marché fonctionne bien en binôme avec des SCPI de rendement ou du logement meublé. En investissant au comptant dans une SCPI de rendement et en achetant une nue-propriété à crédit, on combine les revenus réguliers de la pierre-papier à la plus-value du démembrement physique, tout en optimisant la fiscalité des revenus fonciers grâce à la déduction des intérêts d’emprunt », note Bertrand Birade.

Sans compter qu’à l’issue de l’opération, il sera possible d’habiter, de vendre ou de relouer l’appartement en pleine propriété. Dans un objectif retraite, l’idéal est de coller la durée de l’opération de démembrement aux années d’activités restantes de l’investisseur. Ce dernier pourra ainsi effectuer l’effort d’épargne durant les années où il touche des revenus professionnels, sans pour autant, subir un regain de fiscalité et, à l’heure de la retraite, toucher la plus-value de cession en cas de revente ou profiter d’un complément de revenus s’il décide de louer au prix du marché. Cet investissement peut également servir au financement des études des enfants ou à leur logement.

Autant de stratégies ciblées que les conseillers en gestion de patrimoine peuvent mettre en place avec leurs clients, en fonction de leur situation patrimoniale et financière. Car même s’il tend à se banaliser, le démembrement n’en demeure pas moins un montage complexe, qui nécessite une vision fine et à long terme de l’investissement. « Le montage des opérations est déterminant. Il doit respecter l’ensemble des clauses juridiques et établir un équilibre entre les deux parties. Pour cela, il est essentiel de s’appuyer sur des professionnels qui ont de l’expérience dans la rédaction de contrats d’usufruit », rappelle Alban Gautier, qui note l’émergence de commercialisateurs qui se contentent de vendre des programmes sans accompagner l’investisseur jusqu’au débouclage (et au-delà). « En 2020, il faut être capable d’avoir la double casquette de monteur et de commercialisateur », affirme ce dernier.

Marchés à haut potentiel

Et pour cause, l’intérêt d’un démembrement de propriété est aussi de pouvoir se projeter sur un marché de l’immobilier en pleine ébullition. S’appuyant sur un réseau d’agences maillant tout le territoire, Perl s’est fixé pour objectif de sélectionner des projets dans les zones de tensions foncières, présentant un déficit de logements accessibles à la location. « A l’heure où les marchés financiers se montrent instables, l’immobilier reste un pilier de la gestion de patrimoine. Notre modèle d’investissement repose sur le partage de propriété avec des bailleurs institutionnels sur des zones tendues et à proximité du quotidien des familles, à savoir les commerces, écoles, loisirs et entreprises. Notre mission est de réintégrer ces familles dans les environnements où la demande et les prix explosent », explique Alexandre Bonvalot. A Toulouse, le promoteur propose des studios en coliving à partir de 65 221 euros. Il couvre également les communes du Grand Paris qui seront desservies par les principaux hubs de transports, telles que Saint-Ouen, Montreuil ou Villiers-sur-Marne, mais encore, les villes de villégiatures, comme Perros-Guirec, Sanary-sur-Mer ou Wimereux. Pour apporter la valeur attendue par les investisseurs, certains opérateurs privilégient des secteurs possédant un fort potentiel de développement (projets de réaménagement, nouvelles infrastructures, implantation d’écoles ou d’entreprises, etc.). « La période de démembrement nous permet d’investir dans des quartiers en devenir », souligne Jean-Baptiste de Pascal. Inter Invest a ainsi investi à Bordeaux, dans le quartier en mutation des Bassins à Flots où la société propose à la nue-propriété des petites surfaces à partir de 65 000 euros, à destination des jeunes investisseurs. « Il faut s’inscrire sur des territoires qui ont une perspective d’évolution durable et suivre le mouvement de métropolisation qui concentre la demande sur les douze grandes métropoles », préconise Alban Gautier.

Ces éléments de contexte n’excluent pas de rester vigilants sur le prix de la pleine propriété. Celui-ci doit être cohérent avec le marché, l’emplacement du bien et le potentiel réel de la ville car c’est la pierre angulaire de la rentabilité de l’investissement en démembrement de propriété.

Les limites du modèle

Ces prix peuvent d’autant plus déraper que l’offre en immobilier à démembrer est limitée. Avec, en moyenne, quarante opérations et entre mille et mille cinq cents logements livrés par an sur les cinq dernières années, le marché est plus que contraint par le manque de production, d’un côté, et la difficulté à obtenir des autorisations pour développer ce type de produits auprès des collectivités locales, de l’autre. « Les communes en retard dans la construction de logements sociaux refusent quasi systématiquement le démembrement, car il n’offre pas de logements sociaux pérennes », regrette Bertrand Birade.

Dans certaines communes d’Ile-de-France, notamment, comme le département des Yvelines, il reste très difficile de monter des opérations. Le contexte électoral, par ailleurs, a fortement ralenti l’attribution de permis de construire et provoqué une forte pénurie de logements sur le marché. « Nous sommes contraints en amont par les faibles volumes qui n’ont pas progressé aussi rapidement que nous l’espérions », concède Alban Gautier qui table sur l’annonce du gouvernement de créer soixante mille logements étudiants et vingt mille logements pour jeunes actifs, d’ici 2022, pour augmenter le volume d’offres en ULS. « Nous voyons des signes positifs qui se dessinent dans le paysage français, notamment à travers le développement de l’offre de logements abordables en démembrement, qui apparaît désormais dans le PLU et dans laquelle les logements en ULS rentrent », ajoute le directeur.

Un levier de progression encore inexploité, qui devrait contribuer à faire progresser la volumétrie de l’offre en encourage Fidexi à viser une production de cinq cents lots par an, d’ici trois à quatre ans. Enfin, le manque d’offre structurel dû à l’étroitesse de la clientèle candidate au démembrement (historiquement imposée à l’ISF) est aussi en train d’évoluer. « Le projet en nue-propriété n’a jamais été aussi fort que dans un environnement de taux bas », soutient Céline Breuvart-Nollet, directrice générale déléguée d’iPlus. La défiance face au marché financier, la possibilité d’une délégation complète de la gestion via les SCPI, ou encore, le travail d’évangélisation des CGP participent à démocratiser le marché. Et si la construction neuve a surtout profité au Pinel, le marché du démembrement se structure avec le temps, comme en témoigne le dynamisme du marché secondaire. Les investisseurs en quête de durée d’investissement plus courte, moyennant une décote moins élevée, y trouvent leur compte mais en plus, ne perdent aucun avantage fiscal puisqu’ils continuent de bénéficier de la revalorisation mécanique du bien. Une corde supplémentaire à l’arc des spécialistes en démembrement.

Cet article a été rédigé avant le déclenchement du confinement dans le cadre des mesures préventives du Covid-19.

 

  • Mise à jour le : 04/05/2020

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