David Kalfon (Sanso IS) : « Nous avons été contrariants et pragmatiques »

Par : Benoît Descamps

David Kalfon, président de Sanso IS, et François L’Hénoret, directeur du développement, exposent leur vision actuelle des marchés avec une préférence pour le High Yield européen, et reviennent sur le positionnement des principaux fonds de la gamme.

Profession CGP : Comment se déroule le confinement chez Sanso IS et comment abordez-vous son issue ?

David Kalfon : Nous avions fortement investi dans nos systèmes informatiques : notre organisation à distance fonctionne très bien. Le déconfinement se prépare sans pression et de façon très progressive puisque le télétravail donne de bons résultats. Néanmoins, nous nous devons de répondre à ceux qui souhaitent revenir au bureau.

François L’Hénoret : D’un point de vue commercial, cette période va sans doute faire évoluer notre approche. Les visioconférences permettent de réunir de nombreux partenaires, sur des temps plus courts. Elles permettent également de faire intervenir  plus facilement nos gérants. Si rien ne remplace la relation humaine, le digital est assez efficace et permet de réinventer nos présentations.

 

Quelle est votre vision des marchés actuellement ?

D. K. : Les chiffres macroéconomiques sont épouvantables : nous y étions préparés et cela ne va pas s’arrêter. Espérons que les troisième et quatrième trimestre permettront d’observer une amélioration.

Du côté des entreprises, les incertitudes sur les bénéfices sont fortes, avec beaucoup de révisions à la baisse. Les incertitudes sont fortes : par exemple, les banques ont passé des provisions à la hauteur de ce niveau d’incertitude. A l’inverse, certaines entreprises enregistrent des baisses de bénéfices qui sont sûres et certaines et ne seront jamais récupérées, à l’image des compagnies aériennes.

En matière de valorisation, si les cours ont chuté, les bénéfices ont chuté encore plus vite ce qui donne des valorisations relatives encore élevées. Ainsi, le PE des actions US est supérieur à celui du 31 décembre dernier malgré une baisse des cours de plus de 15 %.

F. L. : La baisse de février/mars a été violente, irrationnelle : - 38 % en 23 jours ! Cela correspond à une baisse journalière de 1,5 % entre mi-février et mi-mars : du jamais vu, avec un indice de la volatilité (le Vixx) qui a atteint son plus haut historique à plus de 80. Si des baisses plus fortes ont pu être constatées par le passé, elles se sont produites sur une période plus longue.

En comparaison, en 2008, il aurait fallu 250 jours pour atteindre une telle baisse.

 

Durant ce choc de marché et avec des valorisations que vous jugez élevées, comment avez-vous opéré au sein de vos fonds ?

D. K. : Comme à notre habitude, nous avons été contrariants et pragmatiques. Durant la baisse, nous avions accru notre niveau d’exposition actions que nous avons réduit la semaine dernière en raison du violent rebond de marché et des publications de résultats. Nous avons ainsi cherché à profiter des pics de volatilité pour acheter dans la baisse et se positionner pour un rebond de marché.

Par exemple, notre fonds PEAble Maxima dont l’exposition peut aller de 70 à 130 % a vu son exposition passer de 70 % au 24 février dernier – car la volatilité était faible et que nous jugions le marché complaisant après une année 2019 exceptionnelle – à 130 %. Nous nous sommes exposés un peu tôt et donc subi une partie de la baisse, mais nous avons aussi profité de la hausse jusqu’à fin avril. Depuis la semaine dernière, l’exposition a été réduite à 100 %.

Comme en 2008, nous pensons que la baisse de marché va également être ponctuée de rebonds intermédiaires violents : les baisses de marché sont rarement linéaires.

F. L. : Notre expertise extra-financière, nos engagements envers les ODD et l’empreinte carbone de nos portefeuilles nous aident également à délivrer une surperformance. En effet, certains secteurs peu ou pas présents dans nos portefeuilles ont particulièrement souffert : l’aérien, le transport, les énergies fossiles…

D. K. : Si les marchés actions nous permettent de saisir des opportunités d’un point de vue tactique, c’est sur le marché du High yield européen que nous avons détecté le plus d’opportunités. L’écartement des spreads a été massif : aujourd’hui, le risque de défaut est réellement rémunéré, avec des rendements entre 7 et 8 %.

F. L. : Sur notre fonds Sanso Objectif Durable 2024, le portefeuille a un rendement actuariel de 7,5 % (contre 4/4,5 % à son lancement en décembre 2018) et est très diversifié (115 lignes). Ainsi, à ce niveau de rémunération, il faudrait un  défaut de l’ordre de 10 % des lignes en portefeuille par an jusqu’à l’échéance du fonds pour que la performance soit négative par rapport au niveau d’aujourd’hui. Ce fonds dispose d’une poche de 20 % de titres Investment Grade, le tout avec une notation moyenne BB et aucun émetteur CCC. Notre exposition quasi exclusivement européenne nous écarte du risque spécifique des émetteurs américains fortement lié au pétrole.

Le fonds Sanso Convictions traduit le mieux notre vue de marché : son exposition aux marchés actions est aujourd’hui de 30 % (avec un maximum à 44 % début avril) et un renforcement sur le High yield européen qui représente désormais  14 % du portefeuille. Un socle de dettes gouvernementales, toujours présent dans le portefeuille pour amortir les périodes de forte aversion au risque, vient jouer le rôle d’amortisseur. Le solde du fonds est investi en cash, sur des stratégies sur les devises et sur des fonds de performance absolue dont nous avons réduit le niveau eu égard à des déceptions sur leurs performances.

 

Sur les marchés actions avez-vous misé sur des thèmes spécifiques ?

D. K. : Non, car notre philosophie consiste à être diversifié au niveau sectoriel afin de ne pas subir les rotations de marché qui peuvent être violentes. Cependant, les valeurs en portefeuille doivent toujours respecter notre politique ESG.

La période actuelle nous permet d’ailleurs de réaffirmer que la prime ISR est réelle et se matérialise sur tous les secteurs et toutes les zones, hormis sur les marchés émergents. Cela se confirme par exemple pour notre fonds thématique Sanso Megatrends qui surperforme significativement son indice de référence, le MSCI Monde, dans la baisse.

 

La période actuelle incite-t-elle vos partenaires CGP à vous solliciter pour créer des solutions dédiées ?

F. L. : Notre nom « Sanso Investment Solutions » indique que nous sommes là pour trouver des solutions aux problématiques d’investissement de nos partenaires. Faciliter le travail de nos partenaires CGP est dans notre ADN. Nous sommes clairement identifiés sur ce sujet que ce soit pour notre expertise de gestion sous mandat personnalisée ou notre offre de fonds dédié : notre flux d’affaires est régulier comme le prouve le récent lancement du fonds Friedland Thématique Mégatrend avec Farnault Investissement. Ainsi, sur notre gamme de 26 fonds, 16 sont des fonds dédiés à des CGP, des familles ou family offices, nos mandats d’arbitrages sont accessibles chez cinq compagnies et bientôt chez BNP Paribas Cardif et Generali.…

D. K. : Nous sommes également de plus en plus sollicités par des sociétés de gestion étrangères pour notre activité d’hébergement et de délégation de gestion (« fund hosting »), notamment lorsque les appels d’offres intègrent une dimension ISR.

 

Un mot sur votre collecte et vos encours ?

D. K. : La collecte nette est positive d’un peu plus de 25 millions d’euros depuis le début de l’année et nos encours s’établissent, après la baisse des marchés aux alentours des 900 millions d’euros.

  • Mise à jour le : 07/05/2020

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